
New York, Lalie n’y est jamais allée. Elle n’a même jamais osé en rêver. C’est trop beau, trop loin, trop cher. Alors, quand Piotr lui propose de l’y accompagner, elle est prête à tout pour saisir cette chance. À tout ? Non. Car il y a des choses qu’on ne peut accepter. Des contreparties qu’on ne peut pas donner. Et maintenant la voici dans la rue, face aux regards de travers et aux mille dangers de la nuit, avec une seule obsession : rester éveillée. Résister. Tenir debout.
Mon avis :
« Au début, au tout début, une fois la surprise et la douleur passées, c’est la colère qui m’a fait tenir debout. J’avais beau avoir peur, être perdue, blessée, terriblement honteuse, paniquée, la colère l’a emporté sur les autres sentiments : une colère brute et puissante, énorme et rouge vif, une colère dirigée contre Piotr’, bien sûr, mais aussi contre moi, pauvre cloche, qui me suis fourrée toute seule dans un piège terrible; une colère contre le monde entier où, à de rares exceptions près, il vaut mieux être un homme qu’une femme… »
Voici comment s’ouvre le roman d’Eric Pessan. Une seule phrase, longue (qui ne s’essouffle qu’au bout de dix lignes), qui nous fait comprendre que Lali a vécu l’horreur. Une seule phrase, longue, à l’instar du temps qui a ralenti quand Piotr’, son ami, a décidé qu’il voulait s’envoyer en l’air et qu’elle, elle en avait forcément envie puisqu’elle ne parvenait pas à articuler le mot « non ». Après tout, elle ne pensait quand même pas pouvoir bénéficier de vacances à New York à moindre frais sans devoir offrir une compensation ?
Lalie est dehors. Il fait froid. Il fait noir. Elle a faim. Elle est sous le choc, à déambuler dans cette ville qu’elle admirait tant, mais qu’elle ne connait pas. Elle n’a pas d’argent, pas de pièces d’identité, pas de téléphone. Piotr’ a tout planqué. Elle marche, prend le métro, regarde autour d’elle, craintive. Elle s’en voudrait presque d’être une femme. Déjà qu’elle ne met plus de jupe depuis longtemps pour éviter les remarques… La tentative de viol dont elle vient d’être victime lui revient sous forme de flash-back.
Pour venir ici, Lalie a dû mentir à sa mère : elle a inventé l’existence de cousines américaines qui leur tiendraient compagnie. Sans cela, elle n’aurait jamais accepté. La maman de Lalie se méfie des hommes, à cause de son passé. Lalie était persuadée qu’à elle, il ne pourrait rien lui arriver. Toujours l’idée du « ça n’arrive qu’aux autres ».
Piotr’, lui, est dans l’appartement. Sa mère, Vanessa, avec laquelle ils ont voyagé, dort à l’hôtel avec une de ses conquêtes. Elle reviendra le lendemain, à 9 heures et laisse les deux adolescents seuls, sans s’inquiéter. Lalie attend ce moment avec impatience : Vanessa l’aidera. C’est sûr. Enfin, pas tant que ça…
J’ai beaucoup aimé ce livre, que j’ai lu en une soirée. Les thèmes sont importants : le consentement, le harcèlement de rue, la violence physique et psychique, les préjugés mais aussi les difficultés à prouver une agression qui ne laisse pas de traces physiques. Pour autant, ce n’est pas un livre dur à lire, il n’y a pas de dramatisation. Les faits sont là, simplement, ce qui ne nous empêche pas de ressentir la violence de la situation.
Enfin, je dois dire que je suis assez admirative de l’auteur. Il a réussi, je trouve, à se mettre avec brio dans la tête d’une adolescente de seize ans. Tout sonne juste, c’est certainement ce qui donne autant de force à ce roman.
Un roman paru à l’école des loisirs !