[Jeunesse] Un caillou au fond de la poche, Florence Cochet

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Au collège, les autres élèves surnomment Henri “la Calculette” ou “le Taré”. Car Henri est un enfant “différent”, surdoué, allergique aux contacts physiques et obsédé par l’ordre et les petits rituels. Sans la présence de sa meilleure amie Daisy, il aurait déjà craqué. Mais elle l’a pris sous son aile, et grâce à son optimisme communicatif, Henri se sent presque intégré. Ils forment une équipe soudée et inséparable. Mais un matin, Daisy n’est pas là pour venir le chercher et partir ensemble à l’école. Elle est malade, clouée au lit ! Il doit se débrouiller seul et les Cavaliers infernaux, une bande de petits racketteurs, comptent bien en profiter. Leur affreux chantage risque de mettre à mal son amitié avec Daisy. Le mystérieux caillou que lui a confié son excentrique enseignante de français suffira-t-il à le protéger des sales coups ?

Mon avis :

J’ai lu ce roman il y a trois semaines, mais je n’avais pas encore pris le temps de le chroniquer or, j’ai très envie de vous le faire découvrir !

Henri vit seul avec sa mère, qui est souvent absente à cause de son travail. Il craint plus que tout qu’il se passe quelque chose dans son école, et que sa mère décide de l’envoyer dans un établissement spécialisé. Pourquoi ? Henri est un personnage différent de ceux que l’on rencontre habituellement en littérature jeunesse, puisqu’il est autiste Asperger. Il se sent parfois, voire souvent, à côté de la plaque quand il se trouve avec d’autres camarades de son âge, et même en présence d’adultes. Mais, depuis quelques années il ne se sent plus seul, il a une amie, Daisy, qu’on n’ose pas trop venir chatouiller. A ses côtés, H, comme elle l’appelle, se sent en sécurité.

Quand il apprend un beau matin qu’elle ne peut se rendre à l’école parce qu’elle est malade, c’est la panique. Il ne sait même pas comment s’habiller ! Et, alors qu’il fera tout pour échapper aux Cavaliers infernaux, trois élèves de son collège qui se moquent souvent de lui et qui n’hésitent pas à lui demander des « petits services », il se trouvera face à eux avant de rejoindre son établissement scolaire.

Au collège, il arrivera en retard. Une enseignante remplaçante remarquera son trouble, mais ne parviendra pas à le faire parler. Par contre, elle lui donnera un petit caillou, et lui racontera un petit conte…

J’ai beaucoup aimé ce livre. Tout d’abord parce qu’il est très bien écrit, dans un style teinté de réalisme et d’humour, mais aussi parce que l’histoire est prenante et très bien construite. J’ai adoré le duo Daisy/Henri, et la touche de fantastique apportée à l’histoire.

Si le thème du harcèlement est souvent abordé, il est ici traité d’une façon originale.

Un roman publié aux éditions Actes Sud junior !

[Jeunesse] Ma vie n’est pas un roman, Alina Bronsky

 

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Kim n’aime pas lire et ne lit pas. Mais un jour qu’elle assiste à la présentation par une écrivaine à succès de son dernier roman, elle est sous le choc : les extraits lus décrivent, à quelques détails près, sa vie, sa famille, jusqu’à ses pensées. Comme la mère de Kim, celle de l’héroïne, adepte du yoga et du végétarisme, vit seule avec sa fille ; comme le père de Kim, celui de l’héroïne s’est trouvé une nouvelle compagne. Dans le livre, Jonathan, amoureux désespéré de l’héroïne, meurt d’une piqure de guêpe. Est-ce le sort réservé à son camarade Jasper, qui en pince peut-être pour Kim ? Comment déjouer la prédiction ? Pour cela, l’adolescente ne va pas hésiter à entrer par effraction dans la vie de la romancière retorse.

Avec la complicité de sa meilleure amie Petrovna, à la personnalité flamboyante.

Un récit rocambolesque, plein de fantaisie, et cependant profond. Idéal pour les plus réfractaires… à la lecture !

Mon avis :

Voici un chouette roman avec une bonne dose de folie et d’humour.

Alors qu’elle écoute une lecture à la médiathèque, Kim est convaincue : c’est bien sa vie qui est racontée dans le livre écrit par cette autrice plutôt étrange qui lui fait face. Rapidement, elle se l’achètera : une première pour cette adolescente qui n’aime pas lire ! Elle reconnait le portrait de sa mère, l’histoire de sa famille, certaines de ses pensées, la nouvelle vie de son père… mais, plus étrange, l ‘histoire semble aussi lui annoncer son avenir : veut-elle le connaitre ?

Alors qu’elle hésite à le poursuivre, la curiosité finit par gagner, ce qui ne rassure pas Kim. En effet, dans le livre, Jasper, qui est amoureux de l’héroïne, finit par mourir bêtement. Or, Jasper correspond à Jonathan, un camarade de classe amoureux d’elle…  Que peut-elle faire pour l’empêcher de connaitre cette fin précipitée et funeste ?
J’ai beaucoup aimé ce roman, pleins de rebondissements. J’ai eu un gros coup de cœur pour l’originale Petrovna, qui semble mener une vie digne d’un personnage de roman.

Peut-elle encore modifier son avenir ou est-il, tout simplement, déjà écrit ? La question, posée intelligemment grâce à un récit drôle et parfois loufoque, est plus profonde qu’il n’y parait.

Un roman drôle et brillant, paru  aux éditions Actes Sud !

[Jeunesse] Rattrapage, Vincent Mondiot

9782330121006

Présentation de l’éditeur :

Un monologue puissant contre le déni, une parole qui se libère pour combattre le harcèlement scolaire.

Un simple échange de regard, le jour du rattrapage du Bac, et tout lui revient en pleine figure. Elle, c’est la jolie fille populaire, comme il en existe dans tous les lycées. Cette année, elle faisait partie des forts, des puissants, de la meute, et n’hésitait pas avec son groupe à se moquer de tous les moches, les geeks, les nuls en cours. Ils avaient même créé un groupe Facebook, l’Association des Cassos Anonymes, pour pouvoir partager leurs vannes et leur mépris, à grands renforts de photos et de vidéos. Lui était l’un de ces “cassos”, leur cible favorite avec qui ils sont allés si loin qu’il a fini par craquer… Les mois ont passé. Le voilà assis comme elle à attendre dans le hall.
Lui dont elle craint maintenant le regard, rongée par les remords.

Mon avis :

Quel texte ! Comme l’indique le titre de la collection dans lequel il vient de paraitre, « d’une seule voix », ce récit se lit d’une traite, pas seulement parce qu’il est court (79 pages), mais parce qu’il est terriblement prenant et percutant.

Dans ce monologue livré en un souffle, nous découvrons notre narratrice le jour de l’oral de rattrapage du Bac. Elle a la gueule de bois après avoir fêté l’obtention du diplôme de ses camarades, sans vraiment comprendre pourquoi elle a voulu arroser ça. Elle a pris ses notes pour quelques révisions de dernière minute, mais elles ne sont là que pour lui donner une constance : elle est incapable de se concentrer sur leur contenu.

Autour d’elle, « des inconnus », « d’autres échecs scolaires dans [s]on genre venus des quatre coins du département pour faire croire que tout n’est pas encore perdu. » Elle finit bien par voir une fille de son lycée, qu’elle nomme en secret « la rousse aux yeux de poisson », mais n’a aucune envie de discuter avec elle. Et, il y a lui. Cet élève qui aurait pu être à la soirée de la veille, mais qui n’y était pas. Cet élève « habillé comme un épouvantail », « un type aux cheveux gras avec des boutons sur la gueule, qui marche d’un pas traînant, les épaules voutées ». Rien à voir avec elle, l’une des filles les plus populaires du lycée « On est aux deux extrêmes de la chaîne alimentaire lycéenne. Je suis le genre de fille qu’il ne peut même pas rêver d’avoir un jour comme copine. »

Elle passe son temps à le regarder, à se demander s’il l’a vue ou s’il fait exprès de réviser. Mais elle se souvient aussi de ce qui s’est passé, un matin du mois de décembre, « un incident ». Et de dérouler dans les grandes lignes ce qui a pu se produire pour que tout se termine ainsi.

En pleine plongée dans la tête de l’une des harceleuses, on assiste à une sorte d’auto-justification bien mal en point. Notre narratrice n’est pas là pour faire son mea-culpa. Les plus forts humilient les plus faibles, c’est comme ça. Aucun sens n’est donné à l’acharnement dont l’adolescent a été victime, un comportement qui l’a conduit à vouloir répandre son sang. Ce qui intéresse notre narratrice, c’est de savoir le regard qu’il porte encore sur elle. L’empathie ? Elle ne connait pas. Jusqu’aux dernières pages.

Ce texte est une petite merveille. Vincent Mondiot dissèque les pensées d’une harceleuse et nous déroute par la violence de ses sentiments et de ses mots. Récit incisif, notre narratrice est en constant équilibre entre la culpabilité et l’impossibilité d’exprimer des regrets sincères.

J’ai beaucoup aimé les différents titres de tableau donnés au fil des pages.

Et que dire de l’écriture ? Brute et sans fioritures, elle sert magistralement le sujet.

Je suis ravie d’avoir découvert cet auteur (merci Joanne Richoux et Caroline !).

NB : Je suis intriguée par les excuses inscrites sur la page des remerciements, avant ces derniers.

 

 

 

Double jeu, Jean Philippe Blondel

Double jeu

Présentation :

Renvoyé de son lycée, Quentin est placé dans un lycée bourgeois du centre-ville. D’origine beaucoup plus modeste que ses nouveaux camarades de classe et loin de ses amis d’enfance, le garçon se sent étranger, exclu. Dans sa classe de première L, la majorité des élèves suit les cours de théâtre de Mme Fernandez, la professeur de français.
Rapidement fasciné par cette femme charismatique, Quentin va se laisser convaincre et intégrer le cours d’art dramatique pour incarner Tom, le héros de La Ménagerie de verre, la pièce de Tennessee Williams.
Quentin accepte progressivement de baisser la garde, de remettre en cause ses propres préjugés et se familiarise peu à peu avec les codes de ce nouveau milieu… Il se rapproche de ses partenaires de jeu, d’Heathcliff, jeune dandy solitaire, et de Julie, dont le charme ne le laisse pas longtemps indifférent. Mais, de plus en plus absent pour ses proches, Quentin se sent tiraillé entre deux mondes. Ce malaise latent fait écho à la pièce de Tennessee Williams et, entre la vie et les répétitions du spectacle, l’acteur et son personnage, les frontières tendent à s’abolir. Finalement, un seul choix s’impose à Quentin : celui de faire du théâtre sa vie.

Mon avis :

Je poursuis ma découverte des auteurs publiés chez Actes Sud Junior. Je vous ai déjà parlé de Gaël Aymon avec Ma réputation, mais aussi d’Antoine Dole, auteur de Tout foutre en l’air (et d’un tas d’autres livres à découvrir). Ces livres ont été deux coups de cœur pour l’adolescente que je ne suis plus (oui, je m’étonne d’accrocher à ce point avec de la littérature jeunesse, il faut dire que je me demande aussi à chaque fois si le livre pourrait plaire à mes élèves ou non, si ce n’est pas le cas, autant l’oublier).

Ici, ce n’est pas un coup de cœur, mais tout de même une belle découverte. Quentin est un adolescent en quête de repères, exclu de son ancien établissement, oublié par ses anciens amis et camarades, pas intégré dans son nouveau collège. Un jour, il ose tenir tête à la professeur de français Mme Fernandez. Alors qu’elle pense qu’il n’est pas attentif, il lui ressort mot pour mot ce qu’elle vient de dire. Elle est doublement surprise : par la mémoire de cet élève qui est plutôt catalogué dans la partie « cancre » et par l’audace dont il a fait preuve en lui répondant. Elle le poussera à intégrer son groupe de théâtre et obtiendra le rôle de Tom dans la pièce La Ménagerie de verre, de Tennessee Williams.

Quentin va se rendre compte que le jeu n’est pas que sur scène, mais qu’il est partout. Le jeune garçon est en décalage entre deux mondes : celui de ses origines, milieu modeste, avec un père ouvrier et une mère caissière et celui de son nouvel établissement scolaire, plutôt bourgeois. Il manque aussi de confiance en lui et de repères. Le théâtre, grâce à Mme Fernandez, lui apportera cela. Ce dernier personnage est très intéressant : c’est le type du professeur autoritaire, craint et respecté mais qui se soucie beaucoup de ses élèves. C’est vraiment le personnage dont Quentin avait besoin pour sortir un peu la tête de l’eau et trouver sa place.

Le livre est divisé en trois actes. L’auteur se met directement dans la peau de son personnage principal, Quentin, et nous parle à la première personne. On a un peu l’impression de suivre le journal de l’adolescent. J’aime cette façon de faire car elle nous permet de ressentir plus d’empathie pour le lecteur. La seule chose qui m’a dérangée : le vocabulaire utilisé par Quentin. Si parfois l’auteur prend sciemment des expressions « jeunes », d’autres fois le vocabulaire ne me semble pas du tout en adéquation avec celui d’un adolescent, surtout avec des difficultés. Ce n’est qu’un point de détail qui m’a surtout dérangé pendant la première moitié du livre.

Encore un roman que je recommande : à avoir dans tous les CDI, mais aussi à la maison pour nos jeunes (et pour les plus « vieux » aussi 😉 ).