L’ombre de nos nuits, Gaëlle Josse

L'ombre de nos nuits par Josse

Présentation :

Deux récits se dessinent dans L’ombre de nos nuits, avec au centre un tableau de Georges de La Tour. En 1639, plongé dans les tourments de la guerre de Trente Ans en Lorraine, le peintre crée son Saint Sébastien soigné par Irène. De nos jours, une femme, dont nous ne saurons pas le nom, déambule dans un musée et se trouve saisie par la tendresse et la compassion qui se dégagent de l’attitude d’Irène dans la toile. Elle va alors revivre son histoire avec un homme qu’elle a aimé, jusque dans tous ses errements, et lui adresser enfin les mots qu’elle n’a jamais pu lui dire. Que cherche-t-on qui se dérobe constamment derrière le désir et la passion ?

En croisant ces histoires qui se chevauchent et se complètent dans l’entrelacement de deux époques, Gaëlle Josse met au cœur de son roman l’aveuglement amoureux et ses jeux d’ombre qui varient à l’infini.

Après le succès du Dernier gardien d’Ellis Island, prix de littérature de l’Union européenne 2015, Gaëlle Josse poursuit avec ce cinquième roman son exploration des mystères que recèle le cœur.

Mon avis :

J’ai reçu ce livre suite à ma candidature pour le prix du livre Orange, pour lequel je n’ai malheureusement pas été retenue (certains participants ont eu la chance de pouvoir choisir un livre a chroniqué à choisir parmi les 28 finalistes). Comme j’adore l’écriture de Gaëlle Josse, ça ne pouvait pas mieux tomber.

Les premières pages nous amènent au 17ème siècle, dans un atelier de peinture, auprès d’un Maître, George de la Tour, et de ses deux apprentis, dont l’un, Étienne, est son fils. Le Maître s’apprête à réaliser un nouveau tableau : « Saint Sébastien soigné par Irène », tableau présenté sur la couverture mais aussi dans le livre avant le texte.  Le Maître de La Tour a demandé à Claude, sa fille, de poser pour la première fois, ce qui déstabilise Laurent, l’apprenti, secrètement amoureux d’elle. Son visage représentera celui d’Irène, la femme qui soigne Saint Sébastien. Dans cet atelier, nous suivons à la fois les pensées du Maître mais aussi celles de son apprenti Laurent qui sont inscrites en italique.

« Comme chaque matin je me suis levé tôt, bien avant le jour. J’ai balayé l’atelier, rincé le sol, fini de gratter la peinture sèche sur les palettes, essuyé les brosses et les pinceaux mis à tremper. J’ai retiré les cendres refroidies de la cheminée, disposé une épaisseur de sarments, puis une autre de petites branches, et enfin quelques bûches. Lorsque Maître de La Tour descendra, tout sera prêt, il régnera ici la bonne chaleur qu’il apprécie. Il pourra commencer sa journée de peinture et moi celle d’apprenti, avec son fils Étienne ».

Quelques pages plus loin direction la France, en 2014, à Rouen dans un musée. Une jeune femme s’arrête et contemple  la copie d’un tableau de George de La Tour. Captivée par la peinture, elle se remémore une histoire d’amour, intense et douloureuse.

« Tu vois, B., c’est ainsi que je t’ai aimé. Comme cette jeune femme penchée sur ce corps martyrisé, à tenter de retirer cette flèche qui l’a blessé. J’aurais voulu que tu le saches, mais il est trop tard, maintenant. Peut-être l’as-tu deviné, où ne voulais-tu pas le savoir ».

Ces deux histoires s’emmêlent à merveille, des passages se font écho malgré les siècles qui les séparent.

L’écriture est agréable à lire, tout en douceur et en fluidité. On avale les mots, on se laisse glisser sur les sons et le sens. Une certaine poésie se dégage de ce texte.

Les histoire sont touchantes, pleines d’amour, pas forcément charnel. L’ensemble offre un œuvre talentueuse, d’une grande beauté.