Atelier d’écriture #4 : le cri

C’est cette image que nous propose Leilouna cette semaine pour l’atelier d’écriture. C’est une photo de Romaric Cazaux.

flamme

Le cri.

Un cri le sortit de son sommeil.

Un cri strident, violent, qui l’effraya. Thomas mit du temps à reprendre ses esprits. Le dos droit, raidi par la peur, assis sur son lit, il écoutait le moindre son nouveau, mais seul le rythme galopant des battements de son cœur résonnait. Après quelques minutes, l’esprit vif, il commença à respirer plus calmement et reprit ses esprits. Une inspiration, une expiration. Une iiiinspiiratiiion, un eeexpiiiraaatiiionn. Il relâcha la pression contenue dans son buste et s’allongea.

Cela vous est peut-être déjà arrivé de vous réveiller ainsi, comme en état d’alerte à cause d’un bruit, vous demandant si ce dernierp provenait de votre rêve ou de la réalité. C’est exactement la question que se posait Thomas. Seulement, impossible pour lui de se souvenir du rêve qu’il venait de faire. S’il avait rêvé que sa professeur de français corrigeait son dernier devoir, nul doute que le cri aurait pu provenir de ce songe, comment ne pas s’égosiller en voyant les horreurs qui se glissaient inlassablement dans ses copies. D’ailleurs, le garçon s’était fait une raison : il ne fallait plus lutter contre, elles étaient toujours là, imperturbables : il fallait apprendre à vivre avec.

Sachant qu’il ne pourrait se rendormir avant d’être certain que tout était calme chez lui, Thomas se leva. Il enfila rapidement son peignoir, et alluma une bougie. Peu confiant, il ouvrit la porte de la chambre. Face à lui, un escalier qui menait à l’étage où dormait sa mère. Il prit à gauche et s’engouffra dans l’obscurité du couloir.

Rapidement, il arriva dans le salon. Rien ne semblait avoir bougé, tout était calme. La faible lueur que dégageait la bougie l’obligeait à plisser des yeux. Vous devez vous dire qu’avec la lumière, il verrait sûrement mieux. C’est certain oui, mais, ce que vous ne savez pas encore, c’est qu’une terrible tempête a secoué son village la nuit précédente, et que l’électricité a fui temporairement la maison.

Il continua et alla vers la cuisine. Seul le tic-tac de l’horloge placée au-dessus de la cuisinière résonnait : aucune trace d’activité. Rassuré, il partit vers sa chambre : il allait pouvoir dormir.

Au moment où il passait devant l’escalier, un nouveau hurlement retentit. Toujours aussi violent et strident. C’était la voix de sa mère, il en était sûr. Le corps du garçon se contracta à nouveau sous l’effet de la peur, mais, il avait bientôt onze ans, et, à cet âge-là, on ne pouvait plus courir se cacher sous la chaleur de sa couette et laisser sa maman crier, seule, dans sa chambre. Alors, après avoir calmé à nouveau sa respiration, il éclaira de la faible lueur de la bougie les marches de l’escalier et les monta, une à une. Le bois grinçait fébrilement sous chacun de ses pas. Il avançait, lentement, s’arrêtant pour écouter d’éventuels bruits provenant de l’étage. Mais rien. Il commençait à croire qu’il avait rêvé. Une fois arrivé à l’étage, la pièce dans laquelle dormait sa mère lui faisait face. Sous la porte, il vit une lumière pâle et vacillante. Il s’approcha, et posa son oreille contre le bois froid de la porte.

A nouveau, un cri.

Thomas ouvrit aussitôt la porte. Il vit sa mère, debout sur une chaise, paniquée. Elle fixait avec horreur le mur en face d’elle. Thomas avait peur, il regretta de se trouver là : il aurait mieux fait d’appeler la police si quelqu’un était entré dans la chambre de sa maman. Mais il était trop tard. Alors, il tourna la tête et il la vit.

Ce que sa mère regardait avec effroi, c’était l’ombre d’une petite souris, projetée sur le mur par la lueur de la bougie. L’inclination de la lumière avait agrandi la taille de cette infime créature. Elle était coincée sous la commode. A cet instant, Thomas ne sut dire qui, entre sa mère et le rongeur, avait le plus peur.

[Atelier d’écriture] Une photo, quelques mots … #2

C’est ma deuxième participation à cet atelier d’écriture qui se passe chez Leiloona.

La photo de la semaine, de Romaric Cazaux :

© Romaric Cazaux

Tous les jours, je les vois. Je les regarde.

Il y a ce petit garçon avec sa maman. Elle vient de le reprendre de l’école. Ils vont s’arrêter à cette boulangerie, là, à cinquante mètres. Elle lui prendra un pain au chocolat. Il le sait, mais à chaque fois son regard s’illumine et brille, et il lui sautera au cou en la remerciant, comme si elle lui offrait le monde.

Dans deux minutes, trois peut-être, passera l’adolescent. Un bus s’arrêtera et le déposera  en face du café dans lequel il entrera un bref instant, juste pour acheter des cigarettes. Il en allumera aussitôt une, il ne croisera pas la maman et le petit garçon qui sont en avance aujourd’hui. Par contre, il donnera encore une fois un gâteau, un sandwich ou une pièce à l’homme assis un peu plus loin, sur le trottoir. L’échange est toujours rapide. L’adolescent s’arrête à peine. Pas un mot, tout passe par le regard. Je suis sûr que ce geste, aussi infime semble-t-il, réchauffe le cœur de cet homme seul. Il sait que, presque chaque jour, quelqu’un le voit et pense à lui. Une fois, alors qu’il faisait froid, l’adolescent lui a apporté un pull. Une fois le jeune parti, le vieux, le regard tout d’abord ébahi, a serré contre lui la masse de laine. J’en ai eu les larmes aux yeux. Il le garde toujours auprès de lui, comme un trésor.

Tous les jours, je les vois. Je les regarde. Je suis fier de ce que j’ai face à moi.

L’avenir est assuré. Je suis serein.