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Vous avez été nombreux à vous montrer enthousiastes pour ce nouvel atelier d’écriture, nombreux aussi, d’après ce que j’ai pu lire, à ne pas trouver le temps d’y participer : ce n’est que partie remise, rassurez-vous, je compte bien le continuer, au moins une semaine :p
Ils sont trois à avoir répondu à ce premier appel, soit 6 textes au total, ce qui me réjouit car je craignais de n’y déposer que le mien, ce qui n’aurait pas intéressé grand monde ! Et plus de 400 à lire l’article … ça, c’est vraiment surprenant !
La phrase du jour était donc tirée du prologue de Pardonnable, impardonnable, de Valérie Tong Cuong. C’est un livre dont je viens de terminer la lecture, et que je chroniquerai prochainement (mais, je peux déjà vous conseiller de vous le procurer rapidement, il est vraiment très bon).
Mon texte :
Elle se retourne, sourit, inspire avec lenteur pour souligner l’importance de l’entreprise. Se remet en position, tête inclinée. Prête à partir.
Et puis non. Elle se retourne, serre le petit objet dans sa main droite, et va s’asseoir, sur ce canapé ramolli par les années, mais dans lequel elle se sent si bien.
Elle le garde au creux de ses mains comme un trésor. Elle sent que son cœur bat vite, très vite. Trop vite ? Hors de question de s’emballer pour le moment. Respire. Inspire. Expire. Inspire. Expire.
Lui, il est là, derrière elle. Elle entend qu’il se rapproche. Elle commence à sentir son parfum, puis le souffle de sa respiration qui lui caresse la peau. Elle sent son corps frémir.
Tout va bien, oui. Pour le moment, elle le croit, elle l’espère. Ses pensées s’entrechoquent et se mêlent. Elle sourit, elle faiblit. Et pourtant, elle sent que ce qui se passe en elle la renforce. Moment de plénitude au creux d’un tourbillon. Douces contradictions. Un moment inattendu pourtant attendu, c’était juste qu’elle n’y croyait plus. Mais, les signes, bien qu’elle ait essayé de les ignorer, ne la trompaient pas. Sa main vide caresse sans y penser son ventre plein. Un plein d’amour, un plein de fierté après les années passées, un plein de vie.
Texte reçu par mail, de Guillaume L. (celles et ceux qui me connaissent comprendront pourquoi j’aime beaucoup ce texte 😉 )
Elle se retourne, sourit, inspire avec lenteur pour souligner l’importance de l’entreprise. Se remet en position, tête inclinée. Prête à partir.
Et puis non. Elle n’y arrive pas.
C’est tout simplement trop difficile. Pourtant elle était si près du but ! Cela fait maintenant une semaine qu’elle ne cesse d’y penser, d’essayer. Hier encore quelle humiliation quand les autres ont été témoin de ce nouvel échec: elle s’était pitoyablement effondrée. Heureusement une fois de plus son charmant sourire lui avait sauvé la mise. Les mines réprobatrices qui l’entouraient s’étaient changées en visages bienveillants. Ah ah ils peuvent bien se moquer, pour eux c’est si facile. Elle n’était pas du genre à abandonner et sa persévérance n’était plus à prouver.
Elle ferma un instant les yeux, redressa le buste et prit à nouveau une profonde inspiration. L’environnement lui était familier: elle avait depuis longtemps éprouvé la robustesse des barreaux blancs qui l’entouraient. Ceux-là même qui limitaient son horizon. Elle avait d’ailleurs entendu récemment qu’elle était dotée d’une incroyable acuité visuelle pour son âge. Elle distinguait chaque détail, chaque aspérité de la peinture blanche qui s’écaillait imperceptiblement . Elle passa lentement sa main le long du morceau de bois. La peau fine et fragile de ses doigts effleurait le barreau rugueux mais il avait quelque chose de rassurant. Elle saisit un second barreau et ses deux mains se crispèrent dessus. Elle contracta ses muscles de toutes ses forces et s’éleva enfin sans bruit! Soudain le silence se brisa et Antoine s’écria : « Fanny, Fanny, regarde Chloé est en train de marcher !«
Guillaume Lavoué, Vol Dusseldorf – Paris, 10/02/16
Texte d’Isabelle Blanes :
« Elle se retourne, sourit, inspire avec lenteur pour souligner l’importance de l’entreprise. Se remet en position, tête inclinée. Prête à partir.
Et puis non. »
Pourquoi partirait-elle, c’était maintenant que tout se jouait… Elle le regarde, continue de sourire, son cerveau tourne de tout ses rouages, à toute vitesse, comment allait-elle lui présenter la chose… Il fallait persuader, séduire, le moment est important, il faut se surpasser, j’en suis capable se dit-elle.
Elle se lève, l’affronte de ses yeux verts, profonds, enjôleurs, sa silhouette fière le surplombe, et elle attaque, son débit est mesuré, son ton convainquant, elle a tout mémorisé et elle ressort ses arguments les uns derrière les autres, elle prend de plus en plus d’assurance, elle se retrouve elle-même, plus de peur, plus d’appréhension, elle sait de quoi elle parle, sa passion reprend le dessus, elle oublie où elle est, devant qui elle se tient, qui elle doit convaincre, elle maîtrise son sujet, elle a tant travaillé dessus!
Elle vole du tableau à la table, ses bras semblent deux ailes qui s’étendent, ses cheveux virevoltent autour de son visage anguleux…
L’homme assis au bureau est éberlué, il ne s’attendait pas à cela, cette passion, ce savoir chez une si jeune femme. Il écoute attentivement, il boit chacune de ses paroles, il essaye de suivre son raisonnement, il admire les résultats obtenus, il n’avait pas envisagé cette solution, cette jeune femme est vraiment brillante, elle a obtenu des résultats incroyables en utilisant des chemins détournés auxquels il n’aurait pas pensé…
Le tableau se remplit de formules, de flèches, de démonstrations… Elle n’a pas présenté ses résultats, elle voulait l’amener à la solution comme elle-même y est parvenue, elle voit ses yeux s’écarquiller quand il commence à comprendre où elle l’a emmené. Fini l’air revêche de vieux prof grognon, son œil pétille, il ne tient plus en place, il veut savoir… Elle ralentit, elle arrive au final, prendre son temps est encore plus important, elle aborde sa conclusion, ça y est, elle a fini. Elle ne s’attendait pas à sa réaction.
Enthousiaste, il se lève, un rire s’échappe de sa gorge: « Si je m’attendais à cela! » s’écrie-t-il.
Puis, il continue, « Bravo! C’est brillant, vous avez gagné, je vous prend dans mon équipe! »
Épuisée, la jeune femme le regarde, elle n’y croit pas, pas encore, puis elle éclate de rire, elle qui croyait avoir encore à convaincre après sa démonstration, c’est fait! Elle y est arrivée, elle va pouvoir continuer ses recherches dans les meilleures conditions possible, fini les petits boulots, les coloc minables, les concessions à n’en plus finir! Elle a gagné!
Les liens :
Le texte de Leana « Le rejoindre » sur Quelques bouts de page
Le texte de Gaëlle : « Quand il faut, il faut » sur My writting world
Et celui de Pativore et de Belange !
Et l’auteure ?
Elle se retourne, sourit, inspire avec lenteur pour souligner l’importance de l’entreprise. Se remet en position, tête inclinée. Prête à partir.
Et puis non.
— Attends, souffle-t-elle, sourcils froncés.
Elle rajuste sa robe à damiers rouge et blanc, coince avec soin l’ourlet entre la selle et ses cuisses.
— Au premier coup de pédale, d’accord ?
Il acquiesce, les yeux rivés sur le cadran magique.
Dans son dos, les champs habillent les collines à perte de vue. Les maïs sont à hauteur d’homme, les tournesols brûlés. Dans deux ou trois jours au plus, les tracteurs déploieront leurs bataillons. Les roues écraseront la terre, arracheront les tiges, broieront les feuilles avec sauvagerie.
— Cinq, quatre, trois, deux, un, décompte Milo avec sérieux.
Marguerite s’élance.
Un battement de cils et déjà, il l’a perdue de vue.
La route serpente et disparaît sur une centaine de mètres dans le sous-bois, réapparaît puis s’enfonce à nouveau dans les champs.
Le garçon n’aime pas ce moment où il ne la voit plus, ne l’entend plus. Il se sent seul, vulnérable, minuscule face au monde immobile.
Mais la voici qui surgit, tache rouge et blanche sur le lacet de bitume.
— Deux minutes quarante-six ! hurle-t-il joyeusement, comme si elle pouvait l’entendre.
Peine perdue, elle est beaucoup trop loin.
Elle agite les bras : Allez, Milo, à ton tour, descends !
Alors il enfourche son vélo, un vélo bleu avec des étoiles blanches peintes sur le cadre, il courbe les épaules, contracte ses muscles, murmure pour lui-même, Fonce, mon petit vieux, fonce !
Les joues giflées de vent et de soleil, la nuque moite et la mâchoire serrée, il pédale de toutes ses forces. Il ne s’agit pas de compétition ni de record à battre, seulement de vitesse, d’ivresse, il est saoul sur la petite route de campagne, saoul Milo de désir enfantin, de joie, de légèreté, saoul de bonheur – une seconde avant l’impact, il rit encore bouche grande ouverte en pédalant.
Puis tout se brise.